A l'heure de gloire d'un objet multifonctions de très haute technologie qui bouleverse à toute berzingue nos habitudes quotidiennes (le téléphone de poche qui, outre le fait très accessoire de permettre les communications téléphoniques, sert de montre, de réveil matin, d'appareil photo, de caméra, de boussole, d'agenda, de pense-bête, de jeu de société, de guide touristique, de thermomètre, de mini station météo et que sais-je encore..., tout cela compressé dans un boitier riquiqui qui tient facilement au fond de votre poche), à l'heure où tout un chacun voit sa vie rythmée par cet objet à la fois admirable et quelque peu inquiétant, il y a un autre objet qui ne peut que forcer notre admiration et notre sympathie : le coucou suisse. Parce que lui, il ne sait faire qu'une seule chose : « coucou ». Le coucou suisse fait « coucou », un point c'est tout. Mais il le fait bien. Comme tout Suisse qui se respecte, il le fait pile poil à l'heure. Pour être exact, il le fait une fois au quart, deux fois à la demie, trois fois à moins le quart, quatre fois à l'heure. Clair, net et précis. Très suisse, quoi ! En plus, c'est joli, un coucou suisse, avec sa décoration de petit chalet en bois, ses petits volets en bois, son toit en tuiles de bois, sa garniture de feuillage en bois, le tout bien vernis et bien rutilant. Le coucou suisse fait son boulot, en pointant quatre fois par heure, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, 365 jours par an. Il ne prend même pas un jour de congé le 29 février des années bissextiles. Faut être sacrément remonté pour assurer cela ! Et qui plus est en restant le symbole de la pure poésie. Chapeau bas !
Personne n'a jamais imaginé un coucou suisse faire « poêt poêt » ; ce serait la honte. Ni faire « pin pon » ; il serait rouge de remord. Non, le coucou suisse fait immuablement « coucou » et cela est rassurant. On peut compter sur lui comme sur un vrai ami. D'ailleurs qui d'autre que le coucou suisse vous fait « coucou » ? Vos amis justement ! « Coucou », c'est un appel amical, cela fait plaisir au c½ur et aux oreilles. Le petit oiseau qui sort son bec du chalet décoré est votre ami. Il vous veut du bien à heure fixe. Personne n'aurait l'idée de lui tordre le cou, à ce coucou.

Les historiens prétendent que l'inventeur du coucou était un drôle de coco un peu cucu mais très sûr de son coup. Hélas, suite à l'immense succès de son invention, la gloire personnelle qu'il en retira ne lui permettait plus de se promener tranquillement dans la rue sans être assailli par des milliers de nouveaux « amis » qui le saluaient d'un amical « coucou ». Ce trop plein de gentillesse lui était insupportable.

Il s'enferma dans son atelier et, quelques années plus tard, en ressortit avec une nouvelle invention, le premier objet multifonctions jamais imaginé par un être humain : le couteau suisse. Nouveau succès, nouvelle gloire. Contrairement au coucou suisse, le couteau suisse tient dans la poche. De plus, et cela tient du génie, outre le fait très accessoire qu'il sert à couper une tranche de saucisson ou tailler une tige de bambou, il sert aussi de tire-bouchon, d'ouvre-boite, de décapsuleur, de ciseaux, de poinçon, de lime à ongle et que sais-je encore... Ce miracle de la technologie « Made in Helvétie » a immédiatement conquis le monde, tout en représentant un avantage non négligeable pour son inventeur : ne pas faire « coucou » !

A bien y réfléchir, j'en conclus que ce sont probablement les arrière-petits-enfants de ce fameux inventeur qui ont mis au point le principe multifonctions de nos téléphones portables. Sur le mien, je cherche encore l'application « lime à ongle » et rêve de voir sortir de mon écran tactile un petit oiseau qui fait « coucou ».