La journée du premier janvier a toujours été pour moi une journée délicate à vivre. Mon problème : cette litanie de "Bonne année, bonne santé !" qui se mêle à quelques petits troubles gastriques consécutifs au réveillon du 31.
En lieu et place d'une sensation de félicité et d'enthousiasme qui devrait m'envahir à l'idée de démarrrer en fanfare une nouvelle année, mon état quelque peu nauséeux me joue de vilains tours et me fait entendre de drôles de voix.
Le souvenir insistant du foie gras et de la dinde farcie transforme dans mes oreilles bourdonnantes la formule "Bonne année" en "Bananée". Les reflux de truffes au chocolat et de champagne transforment dans ma cervelle en apesanteur la formule "Bonne santé" en "Pommes sautées".
Voilà ce que j'entends et ce que je m'entends répéter tout au long de chaque premier janvier : "Bananée et pommes sautées !"
Et quelqu'un pour me répondre " Merci ! Et comme on dit toujours, c'est l'absenté qui conte." "L'absenté qui conte" ? Mais qu'est-ce qu'on me raconte ?

Quelle journée que celles des bons voeux ! En voeux-tu ? En voilà ! C'est reparti pour le grand éternuement de début d'année : A vos souhaits. Merci !

Les jours suivants sont aussi prometteurs. On enchaîne judicieusement avec la galette des rois. Allé, tout le monde se fève. Plus on se fève tôt, meilleure est la galette. Surtout pour les pâtissiers, qui, plus ils en voient sortir de leur boutique, plus ils en voient rentrer dans leur poche.

Mais tout réfléchi, (j'ai bien dit "tout réfléchi" ; soyez rassurés, le lendemain du premier janvier il m'arrive de bien réfléchir), je finis par me convaincre que c'est quand même chouette toutes ces fêtes de tradition, Saint Nicolas et le père Fouettard, Noël et le petit Jésus, le réveillon de Noël, les cadeaux de Noël, le réveillon de la Saint Sylvestre, les bons voeux du premier janvier, la galette des Rois et puis la Chandeleur. Oui, c'est plutôt bien que ça tombe en plein hiver. Ça met des lumières partout, on se fait des bisous, on se dit des choses gentilles, on prend des résolutions qu'elles sont bonnes, ça fait des petits plaisirs dedans quand on voit le temps qu'il fait dehors.

Les gars qui ont inventé le calendrier, ils ont vraiment pensé à tout en mettant les bonnes fêtes aux bonnes dates. Par contre, ils ne soucient pas de l'état de notre foie, ni de l'état de notre foi. Tout de même, nous pouvons leur tirer notre chapeau. Fin décembre début janvier, nous n'avons pas le temps de nous ennuyer entre la course aux cadeaux, la course à la dinde et la course aux cabinets.

Quand j'étais petit, ma maman me conseillait de faire durer les chocolats de Noël jusqu'aux oeufs de Pâques. "Pour répartir ! ", disait-elle. J'essayai mais j'y arrivai pas. Au 3 janvier, c'était plié. Ça faisait de la place pour la galette, des fois que la fève tombe sur moi. L'histoire de la couronne avec le plus petit de la famille qui se glisse sous la table "C'est pour qui celle là ? ", ça c'est sympa. Dommage qu'il faille aimer la frangipane pour espérer gagner la couronne.

Le début de l'année qui enchaine pile poil juste après la fin de l'année, c'est quand même un peu exagéré. Entre deux "réveillons-nous !", où trouver le temps de rêver, de ionner et de dormir un peu ?
Rêvez y 'é vous ? Debout debout, c'est début janvier. C'est reparti. Il faut souhaiter à deux pieds dans la nouvelle année. Sans se prendre les pieds dans le tapis, le Papy, la Mamie. Bisou, bisou et patati et pas Tata, et pas Tonton, et les voisins, faut pavoiser, et les amis, faut amidonner, et le facteur, faut facturer, et les pompiers, faut calendrier, et que je t'embrasse, que je t'étrenne, que je te souhaite une année chouette, que je te chouette une année souhaite, que je te ....

Non, je plaisante. En fait, je trouve cela plutôt bien cette tradition des bons voeux du premier janvier. Je vous l'ai déjà dit et je le répète pour que vous n'ayez aucun doute sur ma bonne foie : cela fait tout plein d'occasions de se dire des choses vraiment très très très gentilles.
Mais, quand même, au passage, une dernière petite question entre vous et moi : sommes-nous vraiment obligés de se farcir cela jusqu'à la veille du premier février ?
Si oui, c'est vraiment un truc à nous faire devenir dinde !