Le thème

Prendre la route, tracer le chemin, fuir droit devant, parce que l'on est chassé de chez soi, de son village, de son pays, par la guerre, la misère, la censure, parce que l'on rêve d'un autre destin... Il y a chaque année des milliers d'hommes et de femmes, jetés sur les routes. Chassés de partout, humiliés, leurs coeurs saignent, leurs chansons pleurent. Le voyage est désormais leur vie, faite d'errance et d'angoisse, en partance vers un ailleurs, un nulle - part rêvé où il fera enfin bon vivre. Ils viennent de l'Est, d'Afrique ou d'Asie, de leurs pays de violence et de pauvreté. Ils franchissent clandestinement les frontières, se cachent dans des wagons de marchandises, dans des soutes de bateaux, s'accrochent à des camions, errent à pied le long des vois ferrées, craignent policiers et douaniers. Ils aimeraient juste pouvoir vivre comme nous, manger à leur faim, avoir un toit, reconstruire une famille, un bout de vie au calme avec un espoir de petit bonheur simple.
« Terre d'exil » nous raconte la vie de deux d'entre eux. De leurs ballots et valises entassés sur une charrette surgissent des instants de vie, la vie heureuse il y a longtemps, la famille, la traque des policiers, le regard hostile des « honnêtes gens », la fuite dans les forêts, la boue des chemins creux, les caches au abords des villes dans des entrepôts sordides, l'errance le long des chemins de fer, sur les quais des ports, le froid et la faim et parfois une rencontre heureuse, un accueil amical, rarement.
Avec quelques valises sur scènes, des ballots de tissus, deux comédiens racontent cette vie là, le destin d'un homme et d'une femme rattrapés par leurs souvenirs heureux ou douloureux. Ces deux-là sont comédiens, chassés de leur pays par la censure, avec une idée fixe chevillée au corps : dire avec leur théâtre ambulant et leurs marionnettes ce qui se passe là-bas, ce que l'on sait un peu, mais de loin, par journaux, radio et télévision interposés. Eux nous le livre avec leur théâtre de rue, théâtre de la nudité et de la pauvreté : un rideau de scène entre deux poteaux, un seul projecteur, quelques bribes de musique et des personnages de chiffons, des pantins qui disent le drame de petites existences innombrables et identiques, malmenées par l'histoire. Brinqueballés de places de villages en coins de rues, ces deux-là ont une soif de vivre libre chevillée au corps, une tendresse de mômes, une folie douce, une certitude que tout ira mieux bientôt. Dans leurs yeux, il y a une rage de vivre, de tout recommencer, d'oublier les douleurs avec le théâtre, la fête, la frénésie d'une clarinette, l'halètement d'un accordéon, le doux miaulement de leurs voix inquiètes...
« Terre d'Exil » est juste l'histoire d'un homme et d'une femme sur le chemin.